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Dans cette étude, nous ne pouvons isoler lobjet de son environnement. Dans la deuxième partie, nous avons pris en compte lespace urbain et ses infrastructures. Pour mieux comprendre la stratégie de ces city guides, nous devons aussi analyser leur position par rapport aux médias traditionnels qui sont présents aussi sur le réseau. Finalement, les city guides arrivent-il vraiment à se différencier de ces médias traditionnels ?
3.1.
la présence des médias traditionnels sur Internet, une concurrence
réelle avec city guides ?
3.1. La présence des médias traditionnels sur Internet, une concurrence réelle avec les city guides ?
En novembre 2000, le projet de Viapolis a vu le jour. Dix-neuf journaux, nationaux (Libération, Le Figaro) et locaux (Sud-Ouest, Le Progrès, etc), ont décidé de créer un réseau de guides urbains dans 35 villes françaises. Le budget investi dans ce projet est évalué à 65 millions de francs. « Nous bénéficierons avant tout de la caution dont jouissent les titres de presse », estime Michaël Bourguignon, directeur général de Viapolis et de ParisAvenue, guide urbain du Figaro (32). Ainsi, le gage de crédibilité de linformation, par la reconnaissance professionnelle des acteurs, est encore mis en avant. Pour contrer les nouveaux acteurs, les médias traditionnels ripostent en sappuyant sur leur expérience, leur savoir-faire. Membre de la communauté, la PQR ne tient pas à donner des laissez-passer sur son territoire, car « lémergence dune profession et sa reconnaissance par la collectivité tient en premier lieu à sa capacité à se définir un territoire » (33). Mais le projet de Viapolis semble être pour linstant au point mort (34) . Un des fondateurs, le président du groupe Sud-Ouest Jean-Français Lemoine, est décédé au mois de février. Or, par sa stature, il avait réussi à fédérer tous ces journaux. Apparemment, Le Progrès ne souhaite pas actuellement accélérer le processus. Avec Le Dauphiné Libéré, il doit faire face à une restructuration. « Sur la base dun récent audit interne, cet ensemble (les deux quotidiens) présenterait le plus mauvais ratio masse salariale/chiffre daffaires de la presse quotidienne régionale française » (35). Dans cette phase assez difficile, le développement dune stratégie sur Internet pourrait être freiné. De plus, Le Progrès a dû faire face aux plaintes de quatre salariés, le 18 juin 1999. « Ils décident dassigner leur journal devant le tribunal de grande instance de Lyon » (36). Et le 21 juillet, Le Progrès est condamné pour violation de droits dauteurs, en reproduisant les articles de ses journalistes sur son site. Déjà, en février 1998, un tribunal condamnait pour la première fois un journal (Dernières nouvelles dAlsace) qui diffusait gratuitement, depuis deux ans, les articles de ses journalistes sur Internet. Mais la fabrication dun journal, papier et Internet, nest-elle pas une uvre collective ? Le tribunal a estimé que les supports étaient trop différents. De ce fait, sans arriver à un accord, Le Progrès ne diffuse sur son site que des brèves dactualité, émanant de lAFP ou dautres agences de presse. 3.1.2. Les sites du Progrès et de Lyon Poche : une concurrence réelle avec les city guides ? Malgré ces déboires et ces handicaps, le site du Progrès propose des services comme un city guide. Sous sa rubrique « Détente », nous pouvons trouver des informations sur les restaurants, lagenda des sorties, les horaires des cinémas, etc. En partenariat avec Lyon Capitale et Lyon Poche notamment, dautres contenus sont aussi proposés pour enrichir son offre. Mais cela reste un site-vitrine, dans le sens que la stratégie actuelle de cet acteur consiste à juste être présent sur le réseau. Télé Lyon Métropole est aussi dans le même créneau. Avec une seule personne qui soccupe du site, trop peu de moyens sont alloués pour permettre une actualisation régulière et la mise en place dun véritable processus de développement. Par contre, LyonPoche.com ne compte pas rester en marge du développement des city guides et constitue un concurrent réel pour les autres sites. « Nous sommes proches effectivement [des city guides], sauf que nous, nous avons la filiation du journal », explique Cory Chaplin, responsable du site. Sappuyant sur le support papier Lyon Poche (37) , le site consiste à fournir « une information qui se veut exhaustive et précise sur tous les spectacles, les horaires de cinéma, les sorties en général ». En clair, cest le concept dun city guide. Pour créer le site, le webmaster sest référé à des guides urbains déjà existants comme Pariscope et Cityvox. Lyon Poche était déjà précurseur en étant sur minitel dés 1982. Mais pourquoi créer un site en plus de la version papier ? Selon le responsable, il y a deux intérêts. Il y a un an, les dirigeants avaient peur quune partie de leur lectorat nachète plus leur journal en se dirigeant vers les sites comme Webcity. Puis, selon eux, grâce à ce site, il existe une « perspective dévolution et de croissance de Lyon Poche qui arrive à maturité ». Autrement dit, le site permet de capter un nouveau lectorat, plus jeune, et donc de nouveaux annonceurs. Or, sappuyant sur une structure déjà existante avec un réseau constitué depuis une trentaine dannée, ces acteurs comptent simposer parmi les city guides lyonnais.
Comment, dans ces conditions, ces sites dinformation locale, qui
navaient pas de structure préexistante pour se développer,
élaborent-ils leur stratégie ? 3.2. Lexemple des élections municipales : la proposition dune nouvelle vision de linformation locale ?
Les élections municipales constituent sur un territoire local un événement politique majeur. A Lyon, trois principales listes se présentaient avec pour chef de file : Gérard Collomb (gauche plurielle), Michel Mercier (la droite « républicaine ») et Charles Millon (la « droite libérale »). Dans ce contexte, il est intéressant danalyser ce que proposaient les city guides. Par rapport aux médias traditionnels, offraient-ils quelque chose de nouveau? Nous partons de lhypothèse des acteurs-mêmes quInternet est un média complémentaire. Dans ce sens, lindividu doit trouver autre chose. Ainsi, la radio permet la réactivité, la télévision, limage et la presse écrite, lanalyse de fond. Mais, avec Internet, le journaliste peut être réactif, offrir une image et donner une analyse de fond. La seule différence actuelle tient à la réception des informations : pour linstant : seulement 10% des Français peuvent visiter les sites sur la Toile. Pourrait-on nier, comme le fait Dominique Wolton (38) , quInternet est un média ? Nous navons pas la prétention, ici, de répondre à cette question. Pour autant, en analysant les différents contenus de ces city guides, nous portons à croire que ces sites sont des médias en soi. Les city guides stricto sensu, ne sintéressant pas à linformation généraliste, nont écrit aucun article sur les municipales. Ce sont Bestofcity, Cityvox et LyonPoche.com. Webcity na évoqué cet événement quau travers son fil dactualité et un dossier général sur les sites des candidats des principales villes de France. Mais, même sil sagit dun fait ayant des répercussions sur le territoire, ce ne fut pas sa préoccupation principale. Voila Lyon na pas suivi assidûment ces élections avec juste des petites brèves et la publication des résultats dans le département du Rhône. 3.2.2. Les sites-info et les sites-mix : une nouvelle vision de linformation locale ? Les sites dinformations locales qui ont traité ce sujet régulièrement (au moins une fois par semaine pendant un mois) sont Livecity, Vivalyon, Webstub et Lyonpeople. Pour chacun, cétait la première fois quil couvrait ce genre dévénement pour un site Internet. Mise à part Lyon Webstub, peu de sujets politiques étaient traités auparavant. Pourquoi ? Sadressant à un public assez jeune, le ton doit être, selon ces rédacteurs, assez léger. La lourdeur de certains dossiers ne permettaient peut-être pas que ceux-ci puissent être traités dans le cadre de ces nouveaux médias. Mais les élections municipales semblent être un événement incontournable pour que des articles soient publiés. De ce fait, le 14 mars, soit entre les deux tours, Vivalyon consacrait la totalité de ses articles à ces élections. Sur la page daccueil, linternaute pouvait dénombrer neuf darticles dactualité. Un dossier était constitué avec des articles en archive et les résultats du premier tour. Webstub en faisait la une de la semaine sur un ton décalé. Sur la page daccueil, nous pouvions voir la photo de Charles Millon au centre dune affiche avec pour titre : « Reward Charles Million dead or alive ». Et le premier titre « Qui veut gagner des Millon ? »- illustre la tonalité de larticle. Les rédacteurs de ce site veulent, et ils laffirment, écrire un article quun journaliste du Progrès ne pourrait pas rédiger. Mais ce nest pas Internet qui véhicule cette liberté dexpression, comme le pense Charles de Laubier : cest lintention de ces rédacteurs de donner une autre vision de linformation locale. « Je crois que notre liberté de ton nous est permise du fait que navons ni annonceur, ni publicité », explique un rédacteur du site. Or, les journalistes de Lyon Capitale revendiquent, eux aussi, cette liberté de ton, même avec la présence de publicité. Justement, un même traitement de linformation a pu être constaté entre ces différents sites dinformation locale et ce « journal des esprits libres ». Le « papier ambiance » a été, en effet très utilisé aussi bien sur Webstub, Vivalyon, Lyonpeople que dans Lyon Capitale. Heure par heure, aux QG de campagne, sont retranscrits les états dâme, les déclarations Nous retrouvons alors un même type dinformation, un même angle et un ton semblable, car tous ces acteurs sintéressent à une cible à peu identique : les jeunes et les cadres. Si le rédacteur de Lyon Webstub sattarde au QG de Millon, le journaliste de Vivalyon, lui, sera à celui de Bruno Gollnish alors que le journaliste de Lyon Capitale suivra Gérard Collomb. Quelque soit le support, chacun a choisi la même stratégie éditoriale avec les mêmes moyens. Autrement dit, quel intérêt a apporté la couverture de ces élections par les city guides ? En ce qui concerne la réactivité, les résultats sont nuancés. Vivalyon a donné des informations le soir même du second tour. Ce sont « les réactions à chaud ». Par exemple, larticle « les dérapages chez Millon » a été mis en ligne le 18 mars à 00h04. Le but est, avant tout, dêtre en avance sur les autres, dêtre le premier site à donner une information. Ici, le city guide se rapproche plus du média radio avec ses « flashes ». Par contre Lyon Webstub, un hebdomadaire, gardait toujours la une du premier tour après le second tour. Comme dans les médias traditionnels, les « papiers dambiance » étaient majoritaires. Cela tenait-il à lévénement ? Il est difficile de départager les effets réels dun fait sur une représentation et les effets dune représentation sur la réalité. En tout cas, la couverture des élections municipales par les city guides a montré que ces acteurs ont voulu être présents dans lespace politique et médiatique local. Mais ils nont pas réussi à se démarquer des autres médias. Par conséquent, avec le même traitement de linformation, ils se sont mis en concurrence réelle avec les médias traditionnels, notamment avec la presse écrite comme Lyon Capitale. 3.2.3. Vers de nouvelles pratiques du journalisme ? Pouvons-nous alors parler, à travers la représentation de cet événement, dun nouveau journalisme ? Est-ce « la fin de larticle de la presse » comme lannonce Charles de Laubier ? Avec lhypertexte, la linéarité disparaît. Avec le multimédia, la construction de « larticle » peut être plus complexe. « Internet fait la synthèse de toutes les techniques journalistiques », résume Paul-Marie Pernet, journaliste au Républicain Lorrain (39). Jérôme Spitz, le webmaster de Lyon Webstub, est persuadé que le futur journaliste sera armé dune caméra numérique avec un micro et son stylo dans lautre main. « Le développement du son et de limage nest quune question technique », explique-t-il. « Les journalistes multimédias (dans le plein sens du terme) rédigent leurs dépêches pour lagence, écrivent ensuite des articles étayés pour les journaux imprimés par le groupe, procèdent à des enregistrements numériques pour alimenter les émissions radios et vont même jusquà intervenir en direct à la télévision pour commenter à chaud lactualité... » (40) Sur M6Lyon, site ouvert le 5 décembre, le multimédia est déjà présent avec la diffusion des reportages de léquipe de télévision et de certains rushes. Sur leur site, ils essayent dexpérimenter le concept d « infotertainment », entre linformation et l « entertainment », cest-à-dire le divertissement. Néanmoins, la majorité des rédacteurs de ces city guides ne considèrent pas avoir inventé un nouveau journalisme. « On ne va pas réinventer le journalisme », pense Sébastien Imbert de Webcity. Les méthodes de base restent les mêmes avec le recueil dinformations, le recoupage des sources, la mise en contexte du fait mis en avant En fait, la nouveauté ne tient pas tant au métier de journaliste quà son écriture. Ce nouveau support nécessite une appréhension de la logique du réseau et de son fonctionnement. Lessence même de la légitimité de ces différents sites dinformation tient justement à cette nouvelle écriture. Encore en expérimentation, il est un peu trop tôt pour savoir si ces city guides ont trouvé la bonne. La stratégie des city guides par rapport aux médias traditionnels nest pas évidente. La couverture des élections municipales a montré une similitude de traitement. La réactivité, tant appuyée par les acteurs, na pas réellement été éprouvée. Ciblés sur les jeunes catégories sociales dynamiques, ces sites ont plutôt adopté un ton décalé et léger. En fait, pour ces sites, il sagit de trouver une nouvelle écriture qui se différencierait de celle et de la radio, la télévision et la presse écrite. |
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Notes de bas de page
(32) Arnaud Gonzague, "La grande presse: n'oubliez pas le guide", Transfert,
17 novembre 2000 DERNIERE MISE A JOUR: 11 juin 2001 Ce document est sans copy right. La seule restriction est de juste citer la source, merci. |