MEMORUS - Troisième partie

ACCUEIL 

ENTRETIENS

TRAVAUX 

PLANS

BIBLIOGRAPHIE

LIENS

CARNET DE BORD

CV 

 

 
La position stratégique des city guides par rapport aux médias traditionnels

Dans cette étude, nous ne pouvons isoler l’objet de son environnement. Dans la deuxième partie, nous avons pris en compte l’espace urbain et ses infrastructures. Pour mieux comprendre la stratégie de ces city guides, nous devons aussi analyser leur position par rapport aux médias traditionnels qui sont présents aussi sur le réseau. Finalement, les city guides arrivent-il vraiment à se différencier de ces médias traditionnels ?

3.1. la présence des médias traditionnels sur Internet, une concurrence réelle avec city guides ?
3.1.1. Le projet de Viapolis : la réaction de la PQR
3.2.1. Le site du Progrès et de Lyon Poche : une concurrence réelle avec les
city guides ?
3.2. L’exemple des élections municipales de 2001: la proposition d’une nouvelle vision de l’information locale?
3.2.1. L’absence des sites-guide
3.2.2. Les sites-info et les sites-mix : une nouvelle vision de l’information locale ?
3.2.3 Vers une nouvelle approche du journalisme ?
 
 

3.1. La présence des médias traditionnels sur Internet, une concurrence réelle avec les city guides ? 


3.1.1. Le projet Viapolis : la réaction de la PQR

En novembre 2000, le projet de Viapolis  a vu le jour. Dix-neuf journaux, nationaux (Libération, Le Figaro) et locaux (Sud-Ouest, Le Progrès, etc), ont décidé de créer un réseau de guides urbains dans 35 villes françaises. Le budget investi dans ce projet est évalué à 65 millions de francs. « Nous bénéficierons avant tout de la caution dont jouissent les titres de presse », estime Michaël Bourguignon, directeur général de Viapolis et de ParisAvenue, guide urbain du Figaro (32). Ainsi, le gage de crédibilité de l’information, par la reconnaissance professionnelle des acteurs, est encore mis en avant. Pour contrer les nouveaux acteurs, les médias traditionnels ripostent en s’appuyant sur leur expérience, leur savoir-faire. Membre de la communauté, la PQR ne tient pas à donner des laissez-passer sur son territoire, car « l’émergence d’une profession et sa reconnaissance par la collectivité tient en premier lieu à sa capacité à se définir un territoire » (33).

Mais le projet de Viapolis semble être pour l’instant au point mort (34) . Un des fondateurs, le président du groupe Sud-Ouest Jean-Français Lemoine, est décédé au mois de février. Or, par sa stature, il avait réussi à fédérer tous ces journaux. Apparemment, Le Progrès ne souhaite pas actuellement accélérer le processus. Avec Le Dauphiné Libéré, il doit faire face à une restructuration. « Sur la base d’un récent audit interne, cet ensemble (les deux quotidiens) présenterait le plus mauvais ratio masse salariale/chiffre d’affaires de la presse quotidienne régionale française » (35). Dans cette phase assez difficile, le développement d’une stratégie sur Internet pourrait être freiné. De plus, Le Progrès  a dû faire face aux plaintes de quatre salariés, le 18 juin 1999. « Ils décident d’assigner leur journal devant le tribunal de grande instance de Lyon » (36). Et le 21 juillet, Le Progrès est condamné pour violation de droits d’auteurs, en reproduisant les articles de ses journalistes sur son site. Déjà, en février 1998, un tribunal condamnait pour la première fois un journal (Dernières nouvelles d’Alsace) qui diffusait gratuitement, depuis deux ans, les articles de ses journalistes sur Internet. Mais la fabrication d’un journal, papier et Internet, n’est-elle pas une œuvre collective ? Le tribunal a estimé que les supports étaient trop différents. De ce fait, sans arriver à un accord, Le Progrès ne diffuse sur son site que des brèves d’actualité, émanant de l’AFP ou d’autres agences de presse.

3.1.2. Les sites du Progrès et de Lyon Poche : une concurrence réelle avec les city guides ?

Malgré ces déboires et ces handicaps, le site du Progrès propose des services comme un city guide. Sous sa rubrique « Détente », nous pouvons trouver des informations sur les restaurants, l’agenda des sorties, les horaires des cinémas, etc. En partenariat avec Lyon Capitale et Lyon Poche notamment, d’autres contenus sont aussi proposés pour enrichir son offre. Mais cela reste un site-vitrine, dans le sens que la stratégie actuelle de cet acteur consiste à juste être présent sur le réseau. Télé Lyon Métropole est aussi dans le même créneau. Avec une seule personne qui s’occupe du site, trop peu de moyens sont alloués pour permettre une actualisation régulière et la mise en place d’un véritable processus de développement.

Par contre, LyonPoche.com ne compte pas rester en marge du développement des city guides et constitue un concurrent réel pour les autres sites. « Nous sommes proches effectivement [des city guides], sauf que nous, nous avons la filiation du journal », explique Cory Chaplin, responsable du site. S’appuyant sur le support papier Lyon Poche (37) , le site consiste à fournir « une information qui se veut exhaustive et précise sur tous les spectacles, les horaires de cinéma, les sorties en général ». En clair, c’est le concept d’un city guide. Pour créer le site, le webmaster s’est référé à des guides urbains déjà existants comme Pariscope et Cityvox.

Lyon Poche était déjà précurseur en étant sur minitel dés 1982. Mais pourquoi créer un site en plus de la version papier ? Selon le responsable, il y a deux intérêts. Il y a un an, les dirigeants avaient peur qu’une partie de leur lectorat n’achète plus leur journal en se dirigeant vers les sites comme Webcity. Puis, selon eux, grâce à ce site, il existe une « perspective d’évolution et de croissance de Lyon Poche qui arrive à maturité ». Autrement dit, le site permet de capter un nouveau lectorat, plus jeune, et donc de nouveaux annonceurs. Or, s’appuyant sur une structure déjà existante avec un réseau constitué depuis une trentaine d’année, ces acteurs comptent s’imposer parmi les city guides lyonnais.

Comment, dans ces conditions, ces sites d’information locale, qui n’avaient pas de structure préexistante pour se développer, élaborent-ils leur stratégie ?
 

3.2. L’exemple des élections municipales : la proposition d’une nouvelle vision de l’information locale ? 


3.2.1. L’absences des sites-guides

Les élections municipales constituent sur un territoire local un événement politique majeur. A Lyon, trois principales listes se présentaient avec pour chef de file : Gérard Collomb (gauche plurielle), Michel Mercier (la droite « républicaine ») et Charles Millon (la « droite libérale »). Dans ce contexte, il est intéressant d’analyser ce que proposaient les city guides. Par rapport aux médias traditionnels, offraient-ils quelque chose de nouveau? Nous partons de l’hypothèse des acteurs-mêmes qu’Internet est un média complémentaire. Dans ce sens, l’individu doit trouver autre chose. Ainsi, la radio permet la réactivité, la télévision, l’image et la presse écrite, l’analyse de fond. Mais, avec Internet, le journaliste peut être réactif, offrir une image et donner une analyse de fond. La seule différence actuelle tient à la réception des informations : pour l’instant : seulement 10% des Français peuvent visiter les sites sur la Toile. Pourrait-on nier, comme le fait Dominique Wolton (38) , qu’Internet est un média ? Nous n’avons pas la prétention, ici, de répondre à cette question. Pour autant, en analysant les différents contenus de ces city guides, nous portons à croire que ces sites sont des médias en soi.

Les city guides stricto sensu, ne s’intéressant pas à l’information généraliste, n’ont écrit aucun article sur les municipales. Ce sont Bestofcity, Cityvox et LyonPoche.com. Webcity n’a évoqué cet événement qu’au travers son fil d’actualité et un dossier général sur les sites des candidats des principales villes de France. Mais, même s’il s’agit d’un fait ayant des répercussions sur le territoire, ce ne fut pas sa préoccupation principale. Voila Lyon n’a pas suivi assidûment ces élections avec juste des petites brèves et la publication des résultats dans le département du Rhône.

3.2.2. Les sites-info et les sites-mix : une nouvelle vision de l’information locale ?

Les sites d’informations locales qui ont traité ce sujet régulièrement (au moins une fois par semaine pendant un mois) sont Livecity, Vivalyon, Webstub et Lyonpeople. Pour chacun, c’était la première fois qu’il couvrait ce genre d’événement pour un site Internet. Mise à part Lyon Webstub, peu de sujets politiques étaient traités auparavant. Pourquoi ? S’adressant à un public assez jeune, le ton doit être, selon ces rédacteurs, assez léger. La lourdeur de certains dossiers ne permettaient peut-être pas que ceux-ci puissent être traités dans le cadre de ces nouveaux médias. Mais les élections municipales semblent être un événement incontournable pour que des articles soient publiés.

De ce fait, le 14 mars, soit entre les deux tours, Vivalyon consacrait la totalité de ses articles à ces élections. Sur la page d’accueil, l’internaute pouvait dénombrer neuf d’articles d’actualité. Un dossier était constitué avec des articles en archive et les résultats du premier tour. Webstub en faisait la une de la semaine sur un ton décalé. Sur la page d’accueil, nous pouvions voir la photo de Charles Millon au centre d’une affiche avec pour titre : « Reward Charles Million dead or alive ». Et le premier titre – « Qui veut gagner des Millon ? »- illustre la tonalité de l’article. Les rédacteurs de ce site veulent, et ils l’affirment, écrire un article qu’un journaliste du Progrès ne pourrait pas rédiger. Mais ce n’est pas Internet qui véhicule cette liberté d’expression, comme le pense Charles de Laubier : c’est l’intention de ces rédacteurs de donner une autre vision de l’information locale. « Je crois que notre liberté de ton nous est permise du fait que n’avons ni annonceur, ni publicité », explique un rédacteur du site.

Or, les journalistes de Lyon Capitale revendiquent, eux aussi, cette liberté de ton, même avec la présence de publicité. Justement, un même traitement de l’information a pu être constaté entre ces différents sites d’information locale et ce « journal des esprits libres ». Le « papier ambiance » a été, en effet très utilisé aussi bien sur Webstub, Vivalyon, Lyonpeople que dans Lyon Capitale. Heure par heure, aux QG de campagne, sont retranscrits les états d’âme, les déclarations… Nous retrouvons alors un même type d’information, un même angle et un ton semblable, car tous ces acteurs s’intéressent à une cible à peu identique : les jeunes et les cadres. Si le rédacteur de Lyon Webstub s’attarde au QG de Millon, le journaliste de Vivalyon, lui, sera à celui de Bruno Gollnish alors que le journaliste de Lyon Capitale suivra Gérard Collomb. Quelque soit le support, chacun a choisi la même stratégie éditoriale avec les mêmes moyens.

Autrement dit, quel intérêt a apporté la couverture de ces élections par les city guides ? En ce qui concerne la réactivité, les résultats sont nuancés. Vivalyon a donné des informations le soir même du second tour. Ce sont « les réactions à chaud ». Par exemple, l’article « les dérapages chez Millon » a été mis en ligne le 18 mars à 00h04. Le but est, avant tout, d’être en avance sur les autres, d’être le premier site à donner une information. Ici, le city guide se rapproche plus du média radio avec ses « flashes ». Par contre Lyon Webstub, un hebdomadaire, gardait toujours la une du premier tour après le second tour. Comme dans les médias traditionnels, les « papiers d’ambiance » étaient majoritaires. Cela tenait-il à l’événement ? Il est difficile de départager les effets réels d’un fait sur une représentation et les effets d’une représentation sur la réalité. En tout cas, la couverture des élections municipales par les city guides a montré que ces acteurs ont voulu être présents dans l’espace politique et médiatique local. Mais ils n’ont pas réussi à se démarquer des autres médias. Par conséquent, avec le même traitement de l’information, ils se sont mis en concurrence réelle avec les médias traditionnels, notamment avec la presse écrite comme Lyon Capitale.

3.2.3. Vers de nouvelles pratiques du journalisme ?

Pouvons-nous alors parler, à travers la représentation de cet événement, d’un nouveau journalisme ? Est-ce « la fin de l’article de la presse » comme l’annonce Charles de Laubier ? Avec l’hypertexte, la linéarité disparaît. Avec le multimédia, la construction de « l’article » peut être plus complexe. « Internet fait la synthèse de toutes les techniques journalistiques », résume Paul-Marie Pernet, journaliste au Républicain Lorrain (39). Jérôme Spitz, le webmaster de Lyon Webstub, est persuadé que le futur journaliste sera armé d’une caméra numérique avec un micro et son stylo dans l’autre main. « Le développement du son et de l’image n’est qu’une question technique », explique-t-il. « Les journalistes multimédias (dans le plein sens du terme) rédigent leurs dépêches pour l’agence, écrivent ensuite des articles étayés pour les journaux imprimés par le groupe, procèdent à des enregistrements numériques pour alimenter les émissions radios et vont même jusqu’à intervenir en direct à la télévision pour commenter à chaud l’actualité... » (40) Sur M6Lyon, site ouvert le 5 décembre, le multimédia est déjà présent avec la diffusion des reportages de l’équipe de télévision et de certains rushes. Sur leur site, ils essayent d’expérimenter le concept d’ « infotertainment », entre l’information et l’ « entertainment », c’est-à-dire le divertissement.

Néanmoins, la majorité des rédacteurs de ces city guides ne considèrent pas avoir inventé un nouveau journalisme. « On ne va pas réinventer le journalisme », pense Sébastien Imbert de Webcity. Les méthodes de base restent les mêmes avec le recueil d’informations, le recoupage des sources, la mise en contexte du fait mis en avant… En fait, la nouveauté ne tient pas tant au métier de journaliste qu’à son écriture. Ce nouveau support nécessite une appréhension de la logique du réseau et de son fonctionnement. L’essence même de la légitimité de ces différents sites d’information tient justement à cette nouvelle écriture. Encore en expérimentation, il est un peu trop tôt pour savoir si ces city guides ont trouvé la bonne.

La stratégie des city guides par rapport aux médias traditionnels n’est pas évidente. La couverture des élections municipales a montré une similitude de traitement. La réactivité, tant appuyée par les acteurs, n’a pas réellement été éprouvée. Ciblés sur les jeunes catégories sociales dynamiques, ces sites ont plutôt adopté un ton décalé et léger. En fait, pour ces sites, il s’agit de trouver une nouvelle écriture qui se différencierait de celle et de la radio, la télévision et la presse écrite.

  Actualité

Infos sur le site

PLAN DU SITE

Pour me contacter: 

rcharbonnier@yahoo.fr

  Notes de bas de page

(32) Arnaud Gonzague, "La grande presse: n'oubliez pas le guide", Transfert, 17 novembre 2000
(33) Denis Ruellan, ibid., 47
(34)  En mai, les sites Viapolis de Bordeaux et de Lyon ont été finalement ouverts. Ce groupe s’est auparavant implanté en Espagne. 
(35)  Michel Delberghe, Vers une restructuration du « Progrès » et du « Dauphiné », Le Monde, 8 février 2001.
(36)  Laurent Geslin et Olivier Tallès, Le Progrès de Lyon accusé de contrefaçon, La presse locale sur Internet  (http://www.presse-locale.fr.st)
(37) ce journal appartient au groupe Métro qui publie aussi un hebdomadaire (Lyon Métro)
(38) Dominique Wolton, in Internet et après? Une théorie critique des nouveaux médias Flammarion éd., 1999
(39)  La presse locale sur Internet, ibid.
(40) Charles de Laubier, ibid.

retour en haut de page
 
 
 
 

DERNIERE MISE A JOUR: 11 juin 2001

Ce document est sans copy right. La seule restriction est de juste citer la source, merci.